30 octobre : la mémoire refoulée du Goulag
- Bruno Teissier
- 30 oct. 2018
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Ils sont quelques centaines, peut-être un millier, à se rassembler autour d’une grosse pierre devant laquelle brûlent des dizaines de bougies. La roche a été rapportée des îles Solovki, là où les premiers camps de concentration soviétiques ont été établis dès les années 1920. Placée là par l’organisation Mémorial, elle sert à Moscou de monument commémoratif aux victimes de la répression politique que l’on célèbre officiellement en Russie et dans les ex-républiques soviétiques (sauf l’Ukraine qui a commémoré ses martyrs le 19 mai). Nous sommes sur la place de la Loubianka à Moscou, le bâtiment qui abritait jadis le siège du KGB, et aujourd’hui celui de son principal successeur le FSB. Un semblable attroupement a lieu au même moment à Saint-Pétersbourg devant une pierre de la même origine. Cela dit, les commémorations demeurent bien discrètes eu égard aux 10 à 15 millions de morts dans les camps du Goulag soviétique. La Russie de Poutine a de plus en plus de mal à regarder son passé en face.
Le 30 octobre 1974, dans son propre appartement Andreï Sakharov (et Sergueï Kovalev) organisent la première conférence de presse annonçant que le 30 octobre serait désormais le « jour des détenus politiques en URSS ». Le même jour, dans les camps de Mordovie, de Perm et à la prison de Vladimir, des détenus politiques entament une grève de la faim. Les années suivantes des manifestations se déroulent à la même date. Le 30 octobre 1989, plus de 3000 personnes, tenant des cierges, font une chaine humaine autour du siège du KGB, sur la place de la Loubianka à Moscou. Ils sont dispersés par les troupes du ministère de l'Intérieur. Finalement, en 1991, le le Soviet suprême fait inscrire le 30 octobre dans le calendrier des fêtes d'État comme « jour pour la mémoire des victimes des répressions politiques ». Mais les cérémonies officielles sont toujours très minimalistes et très peu relayée par la presse. Cette commémoration repose sur la spontanéité d’une petite part, souvent âgée, de la population.

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